Institutrice, femme de lettres et militante anarchiste et féministe, Louise Michel (1830-1905) est l’une des figures majeures de la Commune de Paris.
L’amour de l’égalité
Née le 29 mai 1830 en Haute-Marne au château de Vroncourt, Louise Michel est la fille de Marie-Anne Michel, servante, et d'un père inconnu (probablement Laurent Demahis, fils du châtelain, dont elle portera le nom jusqu’à ses 20 ans). Elle grandit au château et y reçoit une éducation de qualité. Les châtelains sont adeptes des Lumières ; ils lui font lire Rousseau, Voltaire, Diderot, et lui inculquent des valeurs humanistes. En 1850, cependant, sa condition d’enfant illégitime rattrape Louise : à la mort des propriétaires, sa mère et elle doivent quitter le château et travailler.
En 1852, Louise obtient un diplôme d’institutrice. La même année, refusant de prêter serment à Napoléon III, elle crée une école libre en Haute-Marne, où elle ouvrira une seconde école en 1854, et y enseigne pendant un an avant de partir pour Paris. Louise commence à y enseigner en 1856 et poursuivra son activité pendant une quinzaine d’années, au sein d’écoles libres qu’elle crée. Attachée à l’égalité et convaincue que c’est par l’éducation qu’elle pourra être atteinte, elle s’emploie à dispenser un enseignement similaire à tous et toutes, filles et garçons.
Enjolras
Outre sa carrière d’enseignante, Louise Michel caresse le rêve de devenir écrivaine. Elle publie des textes et des poèmes sous le nom d’Enjolras (un personnage des Misérables de Victor Hugo, chef d’une coterie révolutionnaire) et entretient une correspondance avec Hugo. Après l’épisode de la Commune de Paris, l’écrivain prendra sa défense.
Toujours engagée, Louise Michel fréquente les milieux révolutionnaires et côtoie des personnalités comme Jules Vallès, Raoul Rigault et Émile Eudes. Elle devient blanquiste, partisane du mouvement révolutionnaire et républicain socialiste fondé par Auguste Blanqui. Elle rencontre également Georges Clemenceau.
La Commune de Paris
En 1870, pendant la guerre franco-prussienne, Louise Michel manifeste contre l’arrestation de blanquistes. Alors que la famine sévit à Paris, assiégée par les troupes prussiennes, elle crée une cantine pour ses élèves et pour les enfants pauvres. Elle devient membre du Comité de vigilance de Montmartre, association politique, et présidente du comité de vigilance des citoyennes du 18e arrondissement. Elle collabore en outre au quotidien d’opposition au gouvernement de Thiers créé par Jules Vallès et Pierre Denis, Le Cri du peuple.
Le 18 mars 1871, l’insurrection éclate à Paris lorsque le gouvernement Thiers veut désarmer la Garde nationale et réquisitionner les canons entreposés à Montmartre et payés par le peuple de Paris. La population et la Garde nationale se révoltent alors. Au petit matin, Louise est à la tête des femmes qui s’opposent à la réquisition des canons. Lorsqu’un membre de la Garde nationale est blessé, elle tente en vain de le soigner.
Louise se lance corps et âme dans l’insurrection. Rapidement, le gouvernement se réfugie à Versailles et la Commune de Paris est proclamée. Louise proposera d’aller à Versailles assassiner Thiers, mais ne sera pas suivie. Au cours des deux mois de la Commune, marqués par une politique d’autogestion et des affrontements avec Versailles, Louise se donne sans compter. Armes à la main, elle participe aux combats de rue à Issy-les-Moulineaux, Neuilly, Clignancourt, sous l’uniforme des gardes nationaux. Elle sert également comme ambulancière. Et lorsque l’insurrection est durement réprimée et finalement vaincue lors de la Semaine sanglante, en mai, elle combat jusqu’au bout.
Déportation en Nouvelle-Calédonie
Louise Michel réchappe des massacres et arrestations de masse de la Semaine sanglante qui fait des milliers de victimes. Le gouvernement de Versailles fait alors emprisonner sa mère, et la communarde se rend pour la faire libérer. Détenue près de Versailles, elle assiste à l’exécution de ses amis et de l’homme qu’elle aime, Théophile Ferré, avant d’être elle-même jugée.
Louise, qui revendiquait l’égalité des femmes et des hommes dans la lutte, en fait autant face à la répression. Lorsqu’elle est interrogée en juin, loin de chercher comme beaucoup à minimiser sa participation à la Commune, elle déclare : « Ce que je réclame de vous, c’est le poteau de Satory où, déjà, sont tombés nos frères ; il faut me retrancher de la société. On vous dit de le faire. Eh bien, on a raison. Puisqu’il semble que tout cœur qui bat pour la liberté n’a droit aujourd’hui qu’à un peu de plomb, j’en réclame ma part, moi ! »
Louise est condamnée à la déportation, et envoyée en Nouvelle-Calédonie en 1873. Pendant le voyage en bateau, Louise rencontre Henri Rochefort, célèbre polémiste, et Nathalie Lemel, militante anarchiste et féministe, eux aussi déportés. Au contact de cette dernière, Louise devient anarchiste. Détenue sept ans en Nouvelle-Calédonie, elle cherche, contrairement à d’autres, à rencontrer les Kanaks. Fidèle à son amour du savoir, elle apprend une langue kanake, crée un journal, édite un recueil de contes kanaks et cherche à instruire les locaux. Lorsqu’ils se révoltent, en 1878, elle prend leur défense. En 1879, elle obtient le droit de s’installer à Nouméa et y reprend son métier d’institutrice. La même année, sa peine est commuée en bannissement de dix ans ; en décembre, elle bénéficie d’une remise du reste de sa peine.
Militante à Paris
En 1880, Louise Michel retourne à Paris ; la foule l’y accueille chaleureusement aux cris de « Vive Louise Michel ! Vive la Commune ! ». Elle reprend immédiatement son activité de militante et de femme de lettres, donnant des conférences, intervenant dans des débats politiques et publiant un ouvrage. Le 9 mars 1883, elle mène aux Invalides une manifestation au nom des « sans-travail » qui dégénère en affrontement avec les forces de l’ordre. Après s’être rendue aux autorités, elle est condamnée à six ans de prison. Graciée en 1886, elle est de nouveau emprisonnée en août pour un discours en faveur de mineurs, pour quatre mois. En 1887, elle se positionne contre la peine de mort. En 1890, elle est à nouveau arrêtée à la suite d’un discours.
Libérée le 4 juin 1890, elle se réfugie à Londres où elle crée et gère une école libertaire avant de revenir en France en 1895. Pendant dix ans, elle multiplie les conférences, les actions militantes et les séjours à Londres. Au cours de ces années, elle est plusieurs fois arrêtée et incarcérée, mais ne cesse jamais son activité.
Louise Michel meurt en janvier 1905 à Marseille d’une pneumonie.
Louise Michel, Les Œillets rouges, septembre 1871
(La seconde partie du poème est dédiée à Théophile Ferré, qui doit être exécuté.)
Dans ces temps-là, les nuits, on s’assemblait dans l’ombre,
Indignés, secouant le joug sinistre et noir
De l’homme de Décembre, et l’on frissonnait, sombre,
Comme la bête à l’abattoir.
L’Empire s’achevait. Il tuait à son aise,
Dans son antre où le seuil avait l’odeur du sang.
Il régnait, mais dans l’air soufflait La Marseillaise.
Rouge était le soleil levant.
Il arrivait souvent qu’un effluve bardique,
Nous enveloppant tous, faisait vibrer nos cœurs.
À celui qui chantait le recueil héroïque,
Parfois on a jeté des fleurs.
De ces rouges œillets que, pour nous reconnaître,
Avait chacun de nous, renaissez, rouges fleurs.
D’autres vous reprendront aux temps qui vont paraître,
Et ceux-là seront les vainqueurs.
Si j’allais au noir cimetière,
Frères, jetez sur votre sœur,
Comme une espérance dernière,
De rouges œillets tout en fleur.
Dans les derniers temps de l’Empire,
Lorsque le peuple s’éveillait,
Rouge œillet, ce fut ton sourire
Qui nous dit que tout renaissait.
Aujourd’hui va fleurir dans l’ombre
Des noires et tristes prisons.
Va fleurir près du captif sombre,
Et dis-lui bien que nous l’aimons.
Dis-lui que par le temps rapide
Tout appartient à l’avenir ;
Que le vainqueur au front livide
Plus que le vaincu peut mourir.
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Les publications de Louise Michel
Louise Michel, comme une rouge
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